Savoie Après l'accident mortel à Ugitech : vers une reprise de l’activité à 100 % début 2023
Article dans le Dauphiné libéré :
Depuis l’effondrement d’un pont roulant et la mort d’un salarié, le 3 janvier 2022, Ugitech est en régime dégradé. Mais petit à petit, le premier employeur privé du département entend retrouver son rythme de production.
Les explications de son directeur général, Patrick Lamarque d’Arrouzat
Depuis l’accident qui s’y est produit , l’aciérie est-elle toujours à l’arrêt ?
« L’aciérie est toujours sous le coup d’un arrêté préfectoral d’interdiction d’exploiter. Toutefois, si la fusion est arrêtée, nous avons obtenu l’autorisation de refaire fonctionner trois ateliers annexes en périphérie de l’aciérie : la charge, la meuleuse et l’ESR (refusion)… Nous en avons notamment besoin pour nos approvisionnements en matière première qui arrivent de l’extérieur. »
Quelle est l’activité actuelle de l’usine ?
« L’aciérie étant à l’arrêt, tout l’aval est en fonctionnement dégradé. Ces ateliers sont habituellement approvisionnés par l’aciérie, pour la remplacer, nous travaillons avec notre société sœur allemande (DEW) et des confrères italiens. On diminuera ces apports extérieurs au fur et à mesure de notre reprise d’activité en interne avec le remplacement des ponts, en juin et en fin d’année (lire ci-dessous, NDLR). L’objectif est d’arriver à une reprise de l’activité à 100 % et en autonomie fin 2022, début 2023. »
La qualité de l’acier qu’on vous livre n’est pas celle que vous produisez habituellement ?
« Effectivement, nous avons dû faire tout un travail auprès de nos clients pour qu’ils acceptent des qualités différentes, plus standards, provisoirement. La conjoncture étant plutôt favorable, les clients ont accepté. Aujourd’hui, on assure donc 50 % de notre carnet de commandes grâce à ces approvisionnements externes. C’est le résultat d’un travail gigantesque. »
Produire dans ces conditions coûte forcément plus cher…
« Ça nous coûte effectivement plus cher. On a des accords avec nos clients pour répercuter une partie de ces hausses. Dans la conjoncture actuelle, c’est plus facile à faire. D’autant que parallèlement, on est dans une période où le prix des matières premières et des énergies explosent. »
Côté personnel, comment s’organise l’activité partielle de longue durée, toujours avec une alternance de semaines de travail et de chômage ?
« Cela dépend des ateliers. Sur le laminoir, on essaie d’avoir un planning le plus régulier possible, mais c’est difficile. Sur les ateliers aval, c’est beaucoup plus chaotique de tenir la régularité : on a des semaines entières où on ferme. C’est vraiment en fonction de ce qu’on est capable d’approvisionner. »
Est-ce que des emplois sont menacés ?
« Non, on a tout fait pour garder nos salariés, parce que fin juin, on reprendra l’activité à l’aciérie. On embauche d’ailleurs des intérimaires pour répondre aux nouvelles tâches à réaliser pour la réception des matières premières. Les gens de l’aciérie nous aident, mais nous avions besoin de main-d’œuvre supplémentaire. »
Quelle est la situation économique de l’entreprise ?
« Ce que je peux vous dire c’est qu’on a été pourvoyeur de trésorerie vers le groupe Swiss Steel pendant des années et qu’aujourd’hui, on a besoin de lui. 50 % de perte de chiffre d’affaires, ça ne se résorbe pas comme ça. C’est un juste retour des choses. »
Est-ce que vous tirez des leçons de cette période ?
« Je suis très surpris par la capacité des équipes à se remobiliser, à s’adapter aux nouvelles organisations. Elles font un travail extraordinaire. Elles ont réinventé leur quotidien. Il faut juste faire attention à ne pas les surcharger, car la fatigue est assez intense. Une autre leçon, c’est qu’on a accéléré un projet que l’on avait avec l’usine allemande du groupe : l’idée c’était que leur aciérie puisse s’adapter à la nôtre pour avoir une mixité de nos produits. Un investissement a été prévu chez eux, qui va nous permettre de recevoir directement des blooms (barre d’acier de section carrée) dans le format de notre usine. On sera prêt à faire face à l’arrêt d’une des deux aciéries. »
Quel est l’objectif de production pour l’année 2022 ?
« Habituellement, c’est 200 000 tonnes. Notre objectif c’est 130 000 tonnes. »
Depuis l’accident mortel, sur tous les ponts, des contrôles renforcés à Ugitech
"Le pont accidenté sera remplacé, l’autre va être reconstruit en partie" assure de son directeur général, Patrick Lamarque d’Arrouzat.
Dans la perspective de la reprise à l’aciérie, on peut imaginer que certains salariés soient inquiets de revenir sur le lieu de l’accident…
Patrick Lamarque d’Arrouzat, directeur général d'Ugitech :« Il y a toujours un suivi psychologique en place, mais il y a surtout une envie de reprendre le travail. Les gens de l’aciérie sont plutôt demandeurs de retrouver une activité. Il y a effectivement des personnes qui nous ont fait savoir que ça serait compliqué pour elles de remonter sur un pont. Une seule personne a démissionné. C’est pour les rassurer que nous avons mis en place une politique de contrôle renforcée de tous les ponts d’Ugitech, à Ugine et sur nos autres sites. »
Ce sont des contrôles qui vont plus loin que ce qui existait avant l’accident ?
« Oui, autour de 200 ponts et potences sont en train d’être contrôlés. La législation française nous impose des contrôles visuels réguliers. C’est ce que nous faisions avant l’accident. Il y a d’autres pays, l’Italie et l’Allemagne, dont on s’est inspiré, qui ont des contrôles beaucoup plus pointus. Ils permettent d’inspecter la structure de la matière. Cela permet de voir la fatigue du métal, des fissures… Nous pensons que la législation française, à cause ou grâce à cet accident, va évoluer vers des contrôles beaucoup plus stricts. Nous, nous sommes déjà sur ce niveau d’exigence et, cela nous a permis de réparer un certain nombre de choses. »
Est-ce que des fissures ou des affaiblissements dans le métal pourraient expliquer l’accident du 3 janvier ?
« L’enquête sur le pont accidenté est en cours et ce n’est pas à moi d’en parler. Notre responsabilité c’était de vérifier les autres ponts dans le cadre d’une exigence bien supérieure à ce que demande la législation française. Dans ce que l’on a réparé, il n’y avait pas d’éléments à risque. Pour nous, il s’agissait davantage de rassurer nos salariés. »
Le changement des ponts, les réparations, cela représente beaucoup de moyens financiers ?
« Bien sûr, mais étant donné le traumatisme qu’a engendré cet accident, il n’est pas question que chacun revienne au travail avec la peur au ventre. C’est le minimum qu’on peut faire car, encore une fois, un pont dans la sidérurgie, ça ne tombe pas. Ça n’est jamais arrivé. »
Le pont accidenté sera remplacé, l’autre va être reconstruit en partie
Que se passe-t-il aujourd’hui dans l’aciérie ?
« Les deux ponts roulants qui servent à transporter les poches de métal en fusion, celui accidenté et l’autre, ont été démantelés et sortis de l’aciérie. Cela nous permet de faire tout un travail de contrôle des chemins de roulement des deux ponts et de la structure du bâtiment. Quelques réparations sont aussi en cours pour recaler au millimètre le parallélisme des rails et reconstruire la partie du pilier qui a été touchée par le pont en tombant. Le bâtiment, lui, n’a pas souffert. »
Vous allez remplacer les deux ponts ?
« En ce qui concerne le pont qui n’a pas été accidenté, on a décidé de changer complètement sa structure métallique, mais on va réutiliser tous les automatismes et toute l’électronique qui étaient sur l’ancien. La poutre est en train d’être construite en Italie. On devrait le réceptionner fin juin. Il faudra ensuite remonter tous les mécanismes et repositionner le pont sur son chemin de roulement. Cet été, avec sa mise en route, on espère atteindre 70 % de notre volume d’activité et crescendo, toujours en comptant sur les apports extérieurs, arriver à presque 100 %. »
Pourquoi avoir fait ce choix de reconstruire en partie ce pont qui était intact ?
« Les deux ponts avaient exactement la même technologie, la même ancienneté, la même fonctionnalité : pour redonner confiance aux pontiers de l’aciérie, il fallait même changer celui qui n’était pas lié à l’accident. »
Quel est le calendrier de remplacement du pont accidenté ?
« Un nouveau pont va être reconstruit par le même fabricant italien que pour l’autre. Tout est planifié pour qu’on le reçoive la dernière semaine de décembre 2022. L’objectif est qu’avec lui nous retrouvions notre volume d’activité normal en toute autonomie. »
Combien coûte un tel pont ?
« Un pont comme ceux-là, c’est 150 tonnes et plus de 5 000 connexions. Cela représente plusieurs millions d’euros. »
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