Saison blanche dans les stations de ski : « Nous sonnons l’alerte pour les saisonniers »

Publié le par Union Locale Cgt Albertville

L'Humanité  Samedi 23 Janvier 2021

La saison blanche vers laquelle s’acheminent les stations de ski rend encore plus difficile la situation des saisonniers. La CGT appelle à ce que les employeurs reçoivent les aides publiques sous conditions d’embauche de leurs salariés habituels pour l’hiver. Entretien avec Antoine Fatiga, responsable du syndicat dans les remontées mécaniques.

L’annonce, mercredi, que les remontées mécaniques ne rouvriraient pas lors des vacances d’hiver a provoqué une avalanche d’appels à l’aide. Privés de travail, les saisonniers espèrent continuer de toucher le chômage partiel. Mais 40 % d’entre eux qui n’ont pas été embauchés par leurs employeurs vont voir leur situation empirer.


Dans quelle situation se trouvent les 200 000 travailleurs saisonniers dans les Alpes ?

ANTOINE FATIGA

Dans une situation catastrophique, pire qu’en décembre. Il faut savoir que 40 % d’entre eux n’ont jamais été embauchés en début de saison, comme le demandait le ministère du Travail à leurs employeurs. Ils n’ont donc pas basculé en activité partielle et toucher en indemnités chômage 70 % de leur salaire. Ils n’ont donc eu droit à rien. C’est toujours le cas aujourd’hui. Pour seules solutions, ces travailleurs ne peuvent compter que sur l’aide de leurs collègues ou de leur famille, et sur les distributions alimentaires des associations. Nous sonnons donc l’alerte.

On vous sent en colère…

ANTOINE FATIGA

La situation est incroyable car le secteur a bénéficié de 400 millions d’euros d’aides suite à la décision de ne pas ouvrir les remontées mécaniques en décembre. On parle là de 400 millions d’argent public versés sans aucune condition. On a demandé à la ministre du Travail Élisabeth Borne de conditionner ces aides à l’embauche de saisonniers aux dates d’une saison habituelle. Elle nous a répondu que c’était impossible. En revanche, pour contrôler et réclamer 100 euros d’aide trop perçue à un saisonnier, ça, les services du ministère du travail savent faire. Nous avons mis en place une adresse mail en direction des travailleurs en difficulté. En quelques jours, nous avons reçu 250 messages de personnes qui nous expliquent être venus avec une promesse d’embauche que leurs employeurs n’ont pas honorée, et qui se retrouve sans rien. Il est inadmissible que l’on ne conditionne pas les aides aux employeurs à l’embauche de leurs saisonniers. Mais le scandale ne s’arrête pas là…

« Le gouvernement commence à réfléchir à supprimer l’obligation de rémunérer les congés payés. »

C’est-à-dire ?

ANTOINE FATIGA

L’activité partielle ne coûte rien à l’employeur : ce dernier n’est obligé de verser que 70 % du salaire du saisonnier qu’il embauche et l’État le rembourse automatiquement. Mais le ministère du Travail est en train de nous dire que les employeurs se plaignent de devoir payer aussi les congés payés. Le gouvernement commence à réfléchir à supprimer l’obligation de rémunérer les congés payés. Il a pourtant versé 400 millions en aide aux employeurs !

Comment les saisonniers peuvent-ils se retourner ?

ANTOINE FATIGA

La réforme de l’Assurance chômage les a privés de leurs droits. Ils sont nombreux à ne plus avoir suffisamment travaillé pour être indemnisés. Quant à l’allocation de solidarité ou le RSA, ils sont aussi nombreux à ne pas y avoir accès, car ils avaient un peu travaillé auparavant. Les gens se retrouvent dans la misère. Si les saisonniers locaux comme ceux venus d’autres régions - ils représentent chacun un tiers des travailleurs - peuvent faire jouer la solidarité familiale, ceux venus d’étranger (le dernier tiers) se retrouvent dans des situations inextricables. Un collègue Lituanien, par exemple, qui avait travaillé au Club Med en octobre, n’a plus touché un sou depuis. Faute d’argent, il ne peut pas repartir chez lui.

Depuis la confirmation de la non-réouverture des remontées mécaniques mercredi, qu’avez-vous demandé au ministère du Travail ?

ANTOINE FATIGA

Nous espérons qu’il conservera l’activité partielle prise en charge à hauteur de 70 % du salaire. Ce devrait être le cas jusqu’à fin février. Mais le gouvernement a toujours la volonté de diminuer petit à petit sa prise en charge. Nous exigeons par ailleurs l’abandon total de la réforme de l’Assurance chômage. Ses premières mesures en vigueur, qui ont allongé la durée de cotisation de 4 à 6 mois pour avoir accès aux indemnités, ont déjà exclu 1, 2 millions de personnes du chômage, selon une étude de l’Unédic. La seconde, qui a pour but de diminuer le montant des allocations-chômage via une refonte du calcul des indemnités, pourrait toucher 800 000 personnes supplémentaires. Ces dernières mesures ont été suspendues jusqu’à début avril. Nous demandons leur abandon. Malheureusement, mais ça n’étonnera personne, le gouvernement préfère traiter avec les patrons, les professionnels de la montagne, pour pallier la fermeture des remontées mécaniques. Il oublie systématiquement les organisations syndicales, comme si les travailleurs n’étaient pas importants.

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